Le Décret d’Ahmed Bey

Le Décret d’Ahmed Bey

Le Décret d’Ahmed Bey

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Le monument historique de Clara Sörnäs à Zanzibar qui dépeint la vente publique des esclaves noirs rappelle un chapitre profondément discriminatoire de l’histoire de ce pays … Les dates suivantes restent gravées dans l’histoire des peuples noirs : le 23 janvier 1846, Ahmed Bey à Tunis abolit l’esclavage et fait de la Tunisie le premier pays musulman à abolir la traite des Noirs. Deux ans après, le 27 avril 1848, le gouvernement de la République française publie un décret par lequel il abolit l’esclavage dans les colonies françaises. et 19 ans plus tard, le 18 décembre 1865, le treizième amendement à la Constitution des États-Unis prend effet : « Ni esclavage, ni aucune forme de servitude involontaire ne pourront exister aux États-Unis, ni en aucun lieu soumis à leur juridiction », énonce-t-il. C’est cependant le Haut-Canada, l’actuelle province de l’Ontario, qui fait figure de pionnier. En effet, le 28 août 1833, 13 ans avant le décret beylical Tunisien, un décret pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques reçoit l’assentiment royal Canadien et entre en vigueur le 1eraoût 1834. Le Canada commémore aujourd’hui 185 ans de lutte pour la liberté et la dignité humaines.

Décret d’Ahmed Bey du 23 janvier 1846 prescrivant l’affranchissement des esclaves

Nous avons acquis l’entière certitude que la plupart des habitants de la Régence abusent des droits de propriété qu’ils ont sur les nègres et qu’ils maltraitent ces créatures inoffensives. Vous n’ignorez pas cependant que nos savants jurisconsultes ne sont pas d’accord sur la question de savoir si l’esclavage, dans lequel les races nègres sont tombées, s’appuie sur un texte formel; que la lumière de la religion a pénétré dans leur pays depuis longtemps ; que nous sommes très éloignés de l’époque où les maîtres se conformaient, dans la jouissance de leurs droits, aux prescriptions édictées par le plus Eminent des Envoyés avant sa mort ; que notre loi sacrée affranchit, de droit, l’esclave maltraité par son maître ; et que la législation a une tendance marquée vers l’extension de la liberté.

En conséquence, nous avons décidé, dans l’intérêt actuel des esclaves et l’intérêt futur des maîtres, comme aussi dans le but d’empêcher les premiers de demander protection à des autorités étrangères, que des notaires seront institués à Sidi Mehrez, à Sidi Mansour et à la Zaouia Bokria pour délivrer à tout esclave qui le demandera, des lettres d’affranchissement qui nous seront présentées pour être revêtues de notre sceau.

De leur côté, les magistrats du Charaâ nous devront nous réenvoyer toutes les affaires d’esclaves dont ils seront saisis, et tous les esclaves qui s’adresseront à eux pour demander leur liberté. Ils ne permettront pas à leurs maîtres de les ramener à leur tribunal devant être un lieu de refuge inviolable pour des personnes qui fuient un esclavage dont la légalité est douteuse et contestent à leurs détenteurs des droits qu’il est impossible d’admettre dans notre royaume ; car, si l’esclavage est licité les conséquences qu’il entraîne sont contraires à la religion, et il importe de les éviter, d’autant plus qu’il s’attache à cette mesure un intérêt politique considérable.

Dieu nous guide vers la voie la meilleure et récompense les croyants qui agissent dans le sens du bien.

Fait le 25 Muharram 1262

Maher Bahloul
Docteur en linguistique de l’Université Cornell aux États-Unis